Vers Un Nouveau Comparatisme Towards a New Comparatism
Antonio Domínguez Leiva et Sébastien Hubier (éds)
_"Ni tout à fait apocalyptique ni intégrée, la littérature comparée est peut-être la seule discipline qui nous permette, englués comme nous sommes dans une iconosphère globalisée de plus en plus envahissante, de mettre véritablement à distance l’effet-chaos dont s’accommodent autant les industries culturelles que leurs panégyristes médiatiques (voire académiques). Par son interdisciplinarité constitutive, son caractère interculturel et sa méthodologie éclectique, elle peut cerner, dans le totum revolutum de l’hyperconsommation culturelle contemporaine, le sens caché des réécritures « virales » des grands axes de la culture du passé. C’est elle, plus que tout autre, qui tend le pont entre cette monumentale panique contemporaine des zombies et les grandes peurs du passé, entre l’esthétique du cumshot pornographique et la tradition scripturale libertine ou entre le comique aristophanesque et la satire plautinienne réconciliées et dépassées dialectiquement dans les Simpsons, Family Guy ou South Park (et ne faudrait-il pas ajouter Bob L’Éponge, résolument carnavalesque?). C’est elle qui nous montre la voie qui mène du « réalisme magique » homérique ou gogolien au morphing des blockbusters fantastiques qui inondent nos grands et petits écrans ; le chemin qui de l’Enfer concentrique de Dante mène à Futurama. Seule la Comparée est à même de relier le Même et l’Autre, le proche et le lointain, le global et le local, le présent et le passé. Des cycles de contes d’Anansi l’araignée au Ghana aux épopées animalières des cartoons états-uniens, des décapitations épiques médiévales à celles des mangas cyberpunk, de Balzac à Mad Men ou de Game of Thrones aux tragédies dynastiques de Shakespeare, l’unique route fiable qui transite (au-delà des boutades et des imprécisions journalistiques, qui font, on le sait, des mauvaises feuilles de route) est celle de cette discipline foncièrement paradoxale. Et paradoxale elle l’est à plus d’un titre, à la fois solidement ancrée dans la tradition classique et dans sa contestation moderne puis post-moderne, attachée à parts égales à ses objets les plus disparates et éloignés, amoureuse pour autant de cultures disjointes et parfois même opposées par leurs Weltanschauungen respectives, voire, plus dramatiquement, par des conflits sanglants passés ou présents. Consacré nolens volens à l’exploration de l’impureté, que ce soit en violant l’intégrité des espaces et des crédos nationaux ou celle des arts, des médias et des sphères culturelles, le comparatisme a toujours et surtout exigé cette grande ouverture d’esprit qui avait fait, il nous semble, les heures de gloire de cette discipline, de Schlegel à Otto Maria Carpeaux ou Claudio Guillén, et que l’on retrouvait dans ces nombreux compagnons de route qui ont suivi son appel, de Camus à Octavio Paz (L’homme révolté et Los hijos del limo étant à plusieurs titres des chefs-d’oeuvre de comparatisme). Cette ouverture d’esprit caractérise, il nous semble, ce recueil et les divers comparatistes qui y ont pris part. Ce n’est pas la carte, encore moins le territoire, mais c’est déjà une invitation au voyage. Et le comparatisme, qu’on le veuille ou non, doit désormais prendre le large..."
TABLE DES MATIÈRES
- Antonio Domínguez Leiva, ComparatismNot Dead (Or Is It, After All) 7
Hybridization, intercultural studies, imagology & cultural transfers
- Sébastien Joachim (UniversidadeFederal de Pernambuco), Pour une redéfinition et délimitation de la littérature comparée 17
- François Guiyoba (Ens de Yaoundé), Passé, présent et avenir : l'imagologie en mutation 61
- Olympia G. Antoniadou (Αριστοτέλειο Πανεπιστήμιο Θεσσαλονίκης), L’identité inter / multi-culturelle de la littérature francophone grecque à l’ère de la globalisation 75
- Frédérique Toudoire-Surlapierre (Université de Mulhouse-Haute-Alsace), X-Women (interdit aux moins de 16 18 ans) 109
- Antonio Dominguez Leiva (Uqàm), Tecnópolis y ciborgs: del binomio disciplinar a la cultura cyberpunk 131
Intersémioticité et disciplinarité, des notions problématiques
Disciplinarity and the problem of intersemioticity
Marco Nuti (Università di Pisa/ Université de Strasbourg), La bellezza come straniamento. Georges Bataille e l'Olympia di Manet169
Daniel Poitras (Ehess/ Université de Montréal), L’intersémioticité dans « Le noir soleil du langage ». Michel de Certeau, Félix le Chat et l’expérience du temps des sixties 183
Stéphanie Miech (Université de Lorraine), Esthétique rococo et cruauté : les formes de la violence dans les œuvres narratives féminines du deuxième quart du XVIIIe siècle 199
Cultures populaires, cultures de masse
Popular/mass culture studies
Anna Avaraki (Paris Diderot-Paris 7), Comparatisme et interdisciplinarité. Quelques réflexions sur le débat actuel du comparatisme français et étatsunien 245
Aurélien Bécue Picard (Université de Rennes II), De la littérature rock. Du bruit dans la littérature 261
Jérôme Martin (Editions du Murmure), Les Comics : un objet culturel ? 287
Retour à la littérature ?/ Return in literature?
Charles de Roche (Université de Zürich), Monadology of the Poem310
Jessica Mc Bride (University of Connecticut), Where History ends and Myth begins: Creation of the “Witch” in Maryse Condé’s Moi, Tituba, Sorcière… and La Cage d’Anne Hébert324
Alexandra Ivanovitch (Université de Paris-Sorbonne), Aux marges de tous les canons : les apocryphes dans la littérature populaire contemporaine336
Irena Trujic (Université de Montréal), Michel Tremblay et les auteurs russes. La traduction en québécois 350
Romain Ternaux (Editions 13e Note), John Fante et le détournement de l’épique : The Road to Los Angeles 362
Peter Dayan (University of Edinburgh), Pour un comparatisme entre les arts 375
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